Le document reste-t-il central dans l’interaction client ?

De la communication interpersonnelle en vis-à-vis à l’exploitation du papier en passant par la voix, la donnée sur format électronique, l’interaction client prend plusieurs biais. Quelle est la réelle place du document dans cette dynamique. Historiquement papier, que devient-il à l’heure du digital et du multicanal ?

Échanger avec le client. Aussi banal que cela puisse paraître, cette étape reste fondamentale. Les évolutions technologiques que nous vivons n’y changent rien ; le client et le fournisseur doivent, a minima, se parler pour négocier et conclure une vente !  Les possibilités sont multiples et combinatoires : nouer les transactions par téléphone, SMS, mail et / ou à partir d’un document écrit papier. A l’heure ou le numérique devient prégnant et domine également le monde du document, quelle est sa place dans l’interaction client ?

DématLe document, cet ondoyant support

Définissons le concept  du document. A l’ère du tout papier, il s’entendait forcément comme tout support basé sur cette matière et contenant des informations exploitables. Qu’en est-il à l’heure du digital généralisé ? Un tour du côté des experts en la matière permet d’éclairer notre lanterne. Selon François Gouverneur, Graphic Communications Marketing Manager chez Xerox Europe, « la définition du document est restée inchangée, l’innovation technologique lui donnant une nouvelle amplitude ; un document est une information sur un média, quel qu’il soit ! Cette information porte une valeur économique et stratégique dont la valeur est variable en fonction de l’objectif recherché». Gabriel Lalance, coordonnateur national de l éditique du recouvrement (Urssaf), partage cette définition avant de constater : « Si le digital porte cette évolution, le papier reste encore dominant dans l’interaction client ; c’est, en tout cas, vrai, dans le monde de l’Urssaf ». Cela dit, le papier a perdu l’exclusivité de l’acception de document. Ce dernier peut également prendre la forme d’un courrier électronique, d’un SMS, etc. Bref, dans un monde multimédia généralisé, il devient multiforme. Et continue quand même de garder sa place centrale dans l’interaction client. « Le document dans sa diversité conserve un pouvoir prépondérant dans les transactions entre le vendeur et l’acheteur, le fournisseur et son client », indique François Gouverneur. S’agissant d’un processus parfois long constitué de différentes étapes allant de la proposition au SAV en passant par la conclusion d’une vente, les différentes formes de communication doivent être combinées de manière intelligente. Sa capacité à se différencier consistera donc à utiliser le Cross Media de manière cohérente. Quand faut-il privilégier le face-à-face ? Quid du téléphone ? Selon François Gouverneur, « toute communication porte de la valeur. Pour un prêt immobilier par exemple, les modes d’obtention sont multiples en fonction des banques. En fait, en fonction de la criticité de l’échange, tel ou tel autre format de document sera retenu, du fait de sa pertinence et de la valeur qu’elle ajoute à l’interaction ».

Penser la com dans une logique globale

????????????????????Pour en arriver à une telle intelligence documentaire, il est nécessaire de penser la communication dans une logique globale.  Or dans la réalité, beaucoup d’entreprise en sont encore à superposer l’information au lieu de juxtaposer les valeurs. Résultat : le client peine à s’y retrouver. En fait, on en est encore à l’âge de pierre d’une telle approche de communication. Dans certains cas, on est dans le désert documentaire, dans d’autres, en surabondance. Exubérance vs désert ! Il faudrait pourtant évoluer vers un jardin à la française. Comment ? François Gouverneur a son idée. « Première étape incontournable : l’entreprise doit définir ce qu’est la valeur client pour elle, repenser son offre de valeur. Il s’agit de savoir ce qu’elle apporte au client et sur cette base, définir le mode d’interaction le plus adapté à chaque moment du parcours client. » C’est dit.

Ce regard stratégique est-il propre aux fournisseurs ? Comment se comportent les utilisateurs sur le terrain. La marche vers un modèle parfait où se côtoient intelligemment documents papier, digital et interaction présentielle  est, certes longue ; pour autant, elle est déjà amorcée dans certains cas. Ce d’autant que des transfuges du monde technologique emportent avec eux sur le terrain métier, l’expérience et le savoir-faire acquis dans le tissu industriel. C’est le cas de Gabriel Lalance, actuellement coordonnateur national de l éditique du Recouvrement (Urssaf). Longtemps manager d’un centre de production Editique, cet expert de l’éditique apporte à son organisme employeur ses compétences en matière de management du document. Son témoignage illustre le rapport du Recouvrement à cette problématique de la place du document dans l’interaction client. D’entrée de jeu, Gabriel Lalance, part de la proposition de valeur de cette structure pour dérouler sa vision, comme devrait opérer toute entreprise engagée dans la définition d’une stratégie du document. « Comme vous le savez, l’Urssaf n’est pas dans une logique de communication précédant l’achat et cela est davantage vrai pour le recouvrement. Cette réalité a un impact sur les choix de support d’interaction avec le cotisant au document. Si peu de rapport direct avec le « client » peut pousser à négliger les documents d’interaction avec lui, nous devons éviter un tel travers car ces derniers véhiculent notre image de marque tout en mettant l’information en exergue. » Selon cet expert, le choix du support d’interaction dépend de plusieurs paramètres. A commencer par le cycle de vie des données concernées et la catégorie socioprofessionnelle du destinataire ; le lieu de réception et le timing sont également important, tout comme le contenu. Une information ponctuelle peut être envoyée par SMS ou par téléphone ; une donnée trop dense peut être partiellement poussée sur support papier intelligent qui puisse renvoyer sur le Web grâce à un QR Code, par exemple. Quant à l’email, il est réservé à une information plus personnalisée. Tous ces choix doivent être définis en amont, dans le cadre d’une stratégie.

Au-delà de cette analyse, l’une des interrogations de la problématique documentaire actuelle du Recouvrement est la nécessité de  trouver un bon équilibre entre l’information qu’elle veut véhiculer et les coûts à consentir. « Chaque entreprise ou organisme qui veut optimiser son interaction client via le document a tout intérêt à résoudre cette équation. Au sein de notre structure,  90 % de documents restent encore sur format papier. Avec les nouveaux modes de communication digitale, cette situation devrait évoluer dans les prochaines années. En attendant, qu’il soit électronique ou papier, le document reste central dans nos relations avec nos « clients » sachant que les échanges en vis-à-vis avec eux sont marginaux », indique Gabriel Lalance.

Intervenant également en back-office, Nathalie Disses, responsable Editique chez BNP Paribas Personal Finance, confirme « la place prépondérante du document dans l’interaction avec le client. » Et de préciser : « dans notre entreprise le papier reste un support qui occupe une place importante au sein de notre communication. Certes, nous avons engagé une marche vers la dématérialisation et le numérique ; néanmoins, le papier est utilisé en priorité pour des communications sensibles, même si nous avons mis en place la signature électronique en vue d’améliorer le taux de transformation de nos affaires. Par exemple, pour l’instant, le courrier électronique n’est pas utilisé pour délivrer des messages, mais uniquement comme moyen de notification. Il est probable cependant que les canaux utilisés vont continuer à évoluer dans un futur proche, en fonction, entre autre, des impacts de cette nouvelle communication sur nos relations clients. »

Superhero is the winnerLe papier fait (encore) l’objet de toutes les attentions

Pilier de la relation client chez BNP Personal Finance, le papier fait donc l’objet de toutes les attentions. La solution éditique déployée dans un environnement HP Extream permet de produire une documentation « intelligente, c’est-à-dire personnalisée. Cela nous a permis de mettre en place une communication ciblée et des contrats dynamiques. Rien à voir avec l’intégration de QR Code ou autre réalité augmentée. Il s’agit de documents capables de cibler finement le client », assure Nathalie Disses.

Si les réflexions sont en priorité centrée sur la qualité de service rendue au client grâce un document adapté à ses attentes, Sylvain Gaume, spécialiste de projets éditiques ramène le débat sur la pression réglementaire, qui pousse désormais à la traçabilité des transactions. Du coup, le document est plus que central dans les rapports entre le client et son fournisseur. « Le régulateur est de plus en plus vigilant sur ce point, à tout le moins dans le monde de la banque et de l’assurance. Tout échange doit être bouclé par un document à conserver et à visualiser facilement, à la demande des autorités compétentes. Cela rend un tel support incontournable dans la gestion de la relation client. Il peut être sous différents formats ouverts (XML, etc.) sans être forcément sous la forme d’un document fini ».

Cette exigence a plusieurs conséquences sur la conception du document. Dès sa création, un tel support doit être conçu pour être régénéré en tenant compte des différents canaux sur lesquels il aura transité. Certaines technologies actuelles sont capables de faire face à cette traçabilité ; d’autres, propriétaires, peinent à y arriver, introduisant ainsi une bonne dose de risque que l’entreprise doit maîtriser en vue d’éviter les foudres du régulateur. Malgré cette nouvelle donne, certains actes se terminent encore sans trace. Les conversations téléphoniques et les relations en vis-à-vis ne donnent pas forcément lieu à  des traces écrites. A l’entreprise de réfléchir à la manière de leur conférer la capacité de non répudiation et de confidentialité.

A l’heure du tout digital, le document reste donc central dans l’interaction avec le client. Il le restera davantage d’autant que le monde numérique pousse le régulateur, quel que soit son champ d’intervention, à imposer une trace des transactions effectuées par l’entreprise. Pour autant, ne l’oublions pas, sa place première est bel et bien celle d’un support de marketing. Et, surtout à ce titre, il a de beaux jours devant lui, y compris à l’heure du phygital.

Emmanuel MayegaEmmanuel Mayega, Rédacteur en chef Assurance & Banque 2.0 pour DOCaufutur, l’avenir du document